Eric Prié, l'interview Rock'n'Roll part 2

Interview intégrale d'Eric Prié par téléphone pour Echecs et Mag (Avril 99). Remerciement à Frédéric pour l'autorisation de publication.

E&M : Avez-vous des ouvertures avec les blancs ou les noirs que vous aimez mais que vous ne jouez jamais car elles sont considérées comme trop risquées ?

E.P. : Je ne vois pas ce qu'est le risque. Pour moi, c'est bon ou mauvais ? Le compétiteur ne peut pas se permettre d'aimer les ouvertures dans lesquelles il a des chances de perdre. Maintenant, si le but du jeu est de se faire plaisir et que le résultat est accessoire, on peut jouer ce que l'on veut. Par contre ; si on veut progresser, il y a nombre d'ouvertures que l'on ne peut pas jouer car elles sont trop mauvaises. Les meilleurs joueurs du monde ne pratiquent que les mêmes ouvertures.

E&M : Pourtant, cela ne vous a pas empêché de pratiquer la Scandinave, il y a quelques années alors que c'était une ouverture mise aux oubliettes.

E.P. : Le gros problème dans les ouvertures sérieuses, c'est qu'on a le risque d'avoir un adversaire qui joue des lignes annulantes. Alors que pour la Scandinave, pion prend, Dame prend, il n'y a pas de symétrie possible. Donc le combat s'en trouve facilité.

E&M : y a-t-il un joueur que vous aimeriez rencontrer pour un match en 10 parties ?

E.P. : Une de mes lignes de force est le réalisme. Par exemple, je veux bien rencontrer les gens que je vais battre. Donc, si je devais rencontrer un joueur, quitte à me faire " massacrer ", autant que cela soit avec Kramnik qui est une personne que j'admire beaucoup. De manière générale, j'aime bien rencontrer les tacticiens. Mais depuis quelques temps, j'ai un peu perdu la pêche. Par le passé, j'avais de très bons scores contre beaucoup de joueurs français qui pour certains me dépassent maintenant. Par exemple, avec Bauer, j'ai commencé par 2 - 0. Et je l'ai encore battu l'année dernière. En fait, c'est un joueur que j'aimerai rencontrer en match. Par contre, ce serait vraiment très dur pour moi car il a vraiment beaucoup d'énergie. Et moi, je n'en ai plus. Avec l'âge, on a moins d'énergie. De manière générale il est incomparablement plus difficile de battre un adversaire qui rêve de faire nulle que quelqu'un qui joue sa partie pour vous battre. De plus, dans les parties, je suis rarement dominé stratégiquement, je construis souvent bien mais d'un seul coup, je peux tout gâcher avec une grosse erreur.

E&M : Vous faîtes références à vos dernières parties en National 1 ?

E.P. : Non, je pense à des parties qui m'ont vraiment fait mal, notamment contre Bauer à Auxerre, en 1996 quand il m'a remplacé pour le titre de champion de France, mais j'étais complètement gagnant contre lui (Cette partie est analysée dans l'Informateur). C'était une scandinave, j'ai raté beaucoup d'occasions et j'ai fini par perdre en tombant au temps, tétanisé par la déception dans une position nulle. En 1997, à Narbonne, ce fut la même chose face au même joueur. Toutefois, j'ai senti qu'il avait mieux joué. J'étais en train de gagner la partie, une grosse boulette et je perds. Il ne faut pas croire que je fais une fixation sur lui et que je le déteste, en fait c'est plutôt l'inverse mais c'est vrai qu'il cristallise bien pour moi ce sentiment de frustration de l'arnaqué perpétuel. Cela m'énerve quand le résultat de la partie n'est pas conforme à son déroulement. Je ne suis pas fier de mon titre de champion de France pour cela. J'en ai déjà parlé plus haut. C'est ma réputation de lâcher des 1/2 points et des points entiers alors que je suis gagnant. C'est pourquoi j'aime bien proposer nulle contre les forts joueurs dès que je suis mieux quand pour cette raison ils ont du mal à refuser! En effet, avec le temps mes adversaires ont de plus en plus leur chance en s'accrochant dans des positions désespérées. Il ne faut pas que cela s'ébruite. De toute façon les résultats sont conformes au Elo.

E&M : Votre Elo a baissé.

E.P. : Oui, il a baissé. Pour la petite histoire, j'ai été champion de France en 1995. J'ai été Grand Maître dans la foulée. J'étais parti pour faire de grandes choses. Mais il y avait un malentendu au départ avec mon ex-femme sur la conception du mariage après 5 ans d'union , de la famille et l'élaboration en commun de projets d'avenir qui a explosé vers Noël. J'ai donc divorcé. Cela m'a coupé les ailes, et depuis le plancher m'appelle. (E&M: L'Elo d'éric est remonté depuis et il a battu son record avec 2503 en Juillet 1999!)

E&M : Que pensez-vous de l'idée de voir un jour les échecs aux jeux olympiques ?

E.P. : Je n'y crois pas. Seulement, que les échecs soient reconnus comme sport suffirait.
Les échecs doivent sortir de la confédération des loisirs et des jeux de l'esprit en France. Ce qui serait une grande avancée, c'est que l'Etat accorde des subventions particulières à la Fédération pour la représentation de la France dans les différentes compétitions internationales comme les championnats du monde ou d'Europe par équipes C'est le cas presque partout dans le monde à chaque fois que la fierté de la nation est mise à l'épreuve mais pas chez nous.
Actuellement, l'Etat ne subventionne pas non plus les échecs en tant que sport au niveau de la formation et ceci malgré leur coté justement formateur. Ainsi nos diplômes sont des diplômes "maison" reconnus officiellement seulement par nous.

E&M : Les échecs sont-ils votre passion ?

E.P. : Bien sûr, mais aujourd'hui, je préfère me consacrer plus à l'organisation qu'au jeu.

E&M : Quelles sont vos autres passions ?

E.P. : 1) action dans les échecs, 2) ma famille, 3) la musique et les films de Canal + et les Guignols avant les Nuls. Je n'ai pas dit le cinéma car ce qui m'intéresse ce sont les histoires et pas le support 4) la gastronomie. J'aime bien manger et boire du vin. Je n'ai jamais bu autre chose que du vin pendant mes repas, y compris avant les parties.

E&M : On risque de dire que vous êtes un " alcoolique " ;-))

E.P. : Cela ne me gêne pas. Je n'aime pas vraiment "les boissons fortes" mais je revendique le fait d'aimer et de consommer du (bon) vin.

E&M : Finalement, vous vous consacrez essentiellement aux autres : actions dans les échecs, votre famille…

E.P. : Non, je ne peux avoir une attitude complètement détachée, altruiste. J'ai besoin de ne pas m'ennuyer, de mon confort matériel et de bien vivre.

E&M : En musique, quels sont vos groupes préférés ?

E.P. : C'est Tool des années lumière avant les autres. C'est un groupe américain actuel qui a à son actif trois albums et on attend avec impatience le 4ème sans cesse repoussé cette année à cause de problèmes de label je crois. Si on devait classer la musique de Tool on dirait que c'est du "Métal baroque intellectuel" moi je dis qu'elle est faite par des dieux En fait j'adore deux sortes de musique :

  • le tempo moyen avec des gros riffs originaux de guitares dans des morceaux bien structurés. C'est mon coté métal et Tool est dans cette catégorie.
  • J'aime bien ce qui va vite et fort mais tout en restant mélodique. C'est plutôt le Punk.
  • E&M : Mais le Punk, ce n'est pas mélodieux. Vous définissez plutôt le Hard Rock ?

    E.P. : Non, non ! Entre une certaine forme de métal et de punk, le seul disque de hard-rock qui n'a pas pris une ride et que je peux encore écouter est "portrait of an artist as a young ram", par Ram Jam le groupe mythique de "Black Betty". Sinon c'est vrai qu'il y a des groupes punk qui vocifèrent et qui font n'importe quoi mais ce n'est pas la tendance actuelle. J'aime bien qu'il y ait une belle voix claire avec un gros son qui déboule à 100 à l'heure avec même un petits solos et des chœurs Snuff et Social Distorsion sont les références actuelles dans cette catégorie.
    De toute façon il est évident qu'écoutant du rock depuis 25 ans j'ai aussi des références chez les illustres ancêtres. En vrac pour les plus anciens: Hendrix, Deep purple, Stooges, Mc5, Status quo, Black Sabbath, Ten Years After, Led zep période physical graffiti, Stones période It's only Rock'nRoll, Ramones, Sex pistols,Motorhead, etc...

    << questions précédentes questions suivantes >>



    © Copyright 2001, echiquier.online.fr