Eric Prié, l'interview Rock'n'Roll part 3
Interview intégrale d'Eric Prié par téléphone pour Echecs et Mag (Avril 99). Remerciement à Frédéric pour l'autorisation de publication.
E&M : Quelles sont vos revues et livres d'échecs préférés ?
E.P. : Mon livre d'échecs préféré, c'est l'Informateur (J'ai tous les numéros). Sinon comme revue, j'achète Europe-Echecs en kiosque pour ne pas dépendre de la poste. J'ai trouvé qu'ils se sont améliorés notamment dans le numéro d'Avril 1999. J'avais constaté que la qualité baissait régulièrement avant ce numéro. A mon avis, la qualité de ce numéro n'est pas étrangère à la montée du niveau d'Echec et Mat.
E&M : Pourtant, pour les internautes que je côtoie, Echec et Mat a moins de contenu qu'Europe-Echecs.
E.P. : On ne peut pas comparer ces deux revues. Echec et Mat traite essentiellement de la Fédération, de ses compétitions et accessoirement de très grands tournois. De plus celle-ci ne coûte que 50 F d'abonnement pour les licenciés. Avec un tel rapport Information/prix je ne comprend pas comment il y a encore des joueurs d'Echecs français, même en désaccord avec l'équipe dirigeante actuelle qui n'y sont pas abonnés! Europe-Echecs a sa vocation internationale contenue dans son nom, l'abonnement est beaucoup plus cher et le côté financier peut être un frein. Mais si on a les moyens, ça vaut le coup.
E&M : Quels sont les sites d'échecs que vous visitez le plus sur Internet ?
E.P. : Je fais mon petit marché sur The Week in Chess tous les mardis matins. Je télécharge les parties et je prends les nouvelles. Ma page d'accueil est le site de la Fédération. Voici mon parcours quotidien : je regarde les nouveautés sur le site de la Fédération, puis je vais sur Notzai, Echecs et Mag et Europe-Echecs Ce que j'aime bien sur les sites, c'est trouver des liens.
E&M : Parlons du site de la Fédération qui a été très bien accueillie par les internautes.
E.P. : Je ne peux parler que de l'extérieur. C'est un site très rapide à télécharger. On peut imaginer de nombreuses évolutions dont la possibilité de jouer en ligne. Il y a aussi de l'information.
E&M : Ce qui est bien, c'est que l'on peut suivre tous les grands événements de la Fédération, ce qui manquait un peu. Europe-Echecs le faisait mais les mises à jour ne sont pas systématiques.
E.P. : Oui, le site n'est pas mis à jour quotidiennement. Ce n'est pas Notzai.
E&M : On peut parler des dernières olympiades, notamment de la mésentente de l'équipe de France ?
E.P. : Il y a un joueur que je considère comme largement responsable du naufrage de l'équipe. Il n'est d'ailleurs pas très populaire . L'argent semble sa motivation principale. Il a vu son intérêt personnel et pas celui de l'équipe. D'une façon générale, les échecs aux Olympiades constituent une pratique strictement individuelle avec un résultat par équipe. Les joueurs sont en concurrences toute l'année ce n'est donc pas facile de créer une ambiance d'équipe. Le problème est là. Il faut donc travailler le concept de l'équipe de France et cela n'a jamais été fait (si, juste un peu en 1990). Il y a donc plein de choses à régler dont je pourrais essayer de m'occuper si je n'étais pas pris en général par des tâches plus précises et présentes! Il faudrait travailler surtout l'aspect groupe pour affirmer la solidarité et supprimer les tensions dans les moments difficiles. Exemple : si un joueur joue quatre fois de suite avec les noirs, il ne doit pas y avoir de problèmes parce que c'est l'équipe de France qui est importante, pas le résultat individuel.
E&M : Concernant la sélection des joueurs, on s'orienterait non pas vers une sélection par les résultats ou le Elo mais vers une sélection où une cohésion d'équipe existe ?
E.P. : C'est à l'étude. Il va y avoir des propositions dans ce sens. On peut penser que le championnat de France restera prépondérant dans la sélection mais il y a des droits et des devoirs de chaque joueur. Si ceux-ci ne sont pas prêt à les accepter, ils ne joueront pas en équipe de France. Il va falloir de l'analyse collective obligatoire. Si jamais un joueur ne veut pas partager ses petits secrets, il ne fera pas partie de l'équipe. La même chose, si les décisions du capitaine sont contestées.
Le capitaine de l'équipe a une grande importance. C'est lui qui doit définir la stratégie de l'équipe en fonction de l'équipe que l'on va rencontrer. Actuellement, ce n'est pas le cas. L'équipe est faite la veille. On ne sait pas qui va jouer ni avec quelles couleurs aux Olympiades ! Un joueur peut jouer trois fois la même couleur de suite par le jeu des appariements. Et cela crée des tensions.
Aux dernières Olympiades, j'ai été mauvais parce que je croyais cela se passerait comme quand j'étais joueur avec des relations amicales entre personnes civilisées.
E&M : Vous faîtes votre autocritique ?
E.P. : Oui. Avec les joueurs, il faut être plus ferme. L'autre problème était que les joueurs me connaissaient en tant que joueur mais pas en tant que Directeur Technique. Le comportement d'un des joueurs a été immorale. Et pour moi, la moralité est une de mes grandes lignes de conduite.
E&M : Cela vous a fait quand même une bonne expérience.
E.P. : La prochaine fois, je m'y prendrai différemment. Mais je repars à zéro pour l'équipe.
E&M : Parmi les jeunes en France, quels sont pour vous les grands espoirs de demain ?
E.P. : J'accompagne souvent les jeunes dans les compétitions internationales depuis 1991. On ne peut pas dire que beaucoup de joueurs dit de haut niveau se soient précipités sur ce créneau. Les joueurs préfèrent en général participer à des tournois, Quand on gagne c'est évidemment plus gratifiant. Je ne considère pas cette volonté d'évacuer le problème de la reconversion comme une attitude très professionnelle, alors que moi, je m'y suis mis très tôt. Je ne dis pas que je suis un bon entraîneur mais par contre je pense être un bon préparateur. Je me suis occupé par exemple d'Etienne Bacrot payé par la fédération quand il a obtenu son titre de champion du monde à Bratislava en 1993 J' ai été son entraîneur pendant 3 ans, à l'origine de ses premiers succès mais je ne peux pas dire que c'est grâce à moi qu'il est devenu ce qu'il est maintenant!
En ce qui concerne Laurent Fressinet vice champion du monde -14 ans en 95, j'ai eu beaucoup moins de présence qu'avec Etienne mais il a été plus perméable à mon enseignement pour son plus grand bien quoique qu'il s'en défende! Très isolé échiquéénement parlant dans les Landes, c'est un jeune qui a en fait énormément travaillé tout seul avec pratiquement aucune aide et sans moyens.
Je me suis occupé de beaucoup d'autres jeunes à travers les compétitions. Parmi les jeunes en qui j'ai vu tout de suite les plus grands espoirs, il y a donc eu Etienne Bacrot, Laurent Fressinet et Helder Frade-Marques. Ce dernier a été champion de France poussin l'année dernière et deuxième cette année en 1ère année pupille. En fait je peux dire rapidement si un jeune a du talent, par contre, je suis incapable de dire s'il n'en a pas!
E&M : Quels conseils donneriez-vous à ces jeunes pour leur faire gagner du temps ?
E.P. : Prendre de bonnes ouvertures qu'ils pratiqueront toute leur vie. Il n'y a pas de secrets : Sur 1.e4, il faut jouer e5 ou ç5, sur 1.d4, il faut jouer 1…d5 ou 1…Cf6 suivi par 2…e6, sur 1.ç4, il faut jouer 1…Cf6 et 2…e6, ou préparer 2…d5 par 1…ç6 ou 1…e6 ou encore 1…c5. Sur Cf3, il faut jouer d5 tout de suite ou 1…Cf6 suivi par 2…e6 ou encore 1…c5 Le complexe d'ouverture Grünfeld (1…Cf6,2…g6 et 3…d5 dès que le Cavalier blanc vient en c3) connaît un certain succès en ce moment et repose sur des bases plus saines que l'est-indienne mais je ne suis pas sur que cela dure. Il s'agit d'ouvertures très classiques. Ce sont les grands principes. Même s'il ne faut pas prendre cela au pied de la lettre, cela aidera beaucoup les jeunes à progresser en ayant de bonnes connaissances. Les entraîneurs les aideront à choisir les variantes pour gagner du temps. Les bases de données peuvent aussi les aider. L'informatique fait gagner beaucoup de temps.
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